D’Okinawa au Japon
Après avoir été importé de Chine, le karaté a été développé et perfectionné dans le royaume de Ryūkyū (1429–1879), principalement à Okinawa8. Au début de l’expansionnisme de l’ère Shōwa, le Japon conquiert le royaume (en) entre 1872 et 1879. Les plus grands experts de la fin du XIXe siècle et du début du XXe, dont Hanashiro Chomo, Chotoku Kyan, Azato Yasutsune (le premier maître de Funakoshi), Kentsu Yabu, Ankō Itosu (le second maître de Funakoshi), Chibana Chōshin (l’un des condisciples de Funakoshi), Gichin Funakoshi, Kanryō Higaonna, Chōjun Miyagi (disciple du précédent), Kenwa Mabuni (autre condisciple de Funakoshi), entre autres, sont tous originaires d’Okinawa9. À part Kanryō Higaonna et Chōjun Miyagi, son disciple et successeur, tous les autres, sans exception, sont des disciples, directs ou indirects, de Sokon Matsumura (1809–1896).
Il n’y a pas de traces écrites de la transmission de ces techniques à Okinawa, qui est le berceau du karaté tel qu’il est pratiqué aujourd’hui. Mais ce dont on est sûr, c’est que ces techniques ont été importées en grande partie de Chine, la culture d’Okinawa étant encore plus sinisée que la culture japonaise. Les Okinawaïens avaient aussi des techniques martiales qui leur étaient propres, comme la rotation axiale du poing dans les coups de poing et les blocages.
En 1409, le roi Sho Hashi unifie les territoires d’Okinawa. Sous son règne se développe l’art du ti (ou te, ou di), cependant déjà présent chez les classes guerrières et nobles. Deux cents ans plus tard, soit en 1609, l’invasion de l’île par le clan Satsuma appauvrit la noblesse okinawaïenne, la contraignant à exposer une de ses dernières richesses : le te. Les armes sont encore confisquées par le nouveau gouvernement japonais ; cependant, les armes à feu ayant supplanté les armes blanches, l’autorité se soucie peu du contrôle des villageois. L’art martial des îles Ryūkyū (Ryūkyū no ti ou te) existait déjà, mais était enseigné en vase clos et n’est pas apparu à cette période. Aucune source historique ne justifie la pose arbitraire de la création du te à cette date : les classes paysannes ne repoussaient pas des samouraïs en armure et équipés d’armes à feu à mains nues et n’avaient pas accès au savoir du te. En revanche, les classes de guerriers, de la police, de l’administration (peic hin) ou des nobles participent au développement du te. On remarque que les maîtres de cet art sont tous d’origine sociale aisée (marchands, nobles, officiers), pratiquant de ce fait entre eux.
Pour ces raisons, les classes aisées d’Okinawa ont adapté les méthodes de combat chinoises reprises sous le nom de Okinawa-te (nom donné au tō-de à partir de la seconde moitié du XIXe siècle, en réaction à la domination japonaise) en développant des techniques de combat à mains nues. Te signifiant « main », Okinawa-te signifiait donc les techniques de combat à mains nues d’Okinawa. Dans le dialecte okinawaïen (uchinaguchi), le terme tōdi était également employé.